samedi 28 janvier 2012

Dendrobate azureus ou grenouille à flèches empoisonnées

©northwestfrogfest.com, a forum for people who want to keep captive bred frogs (site aujourd'hui disparu)
Cette petite grenouille bleue est vraiment très mignonne : elle mesure trois à quatre centimètres et demi de long, c'est-à-dire qu'elle peut faire jusqu'à la moitié de la paume de la main (et parfois moins !). Si vous avez déjà vu des rainettes qui font maximum cinq centimètres, vous aurez une idée de la petite taille de cette grenouille. Sinon, vous pouvez regarder la photo ci-dessous :

A Blue Poison Dart Frog (Wikipedia, ©ZeWrestler)


Avec une aussi belle couleur et une aussi petite taille, beaucoup aimeraient sûrement la prendre dans ses mains... mais ne le faites surtout pas !

Son nom courant va vous éclairer : en anglais, on l'appelle blue poison frog ou blue poison dart frog, signifiant "grenouille bleue vénéneuse" ou "grenouille à flèches empoisonnées".
En effet, cette grenouille et ses cousines dendrobates possèdent la particularité de secréter des toxines (batrachotoxine ou pumiliotoxine) par leur peau. Dans leur milieu naturel, un être humain qui en toucherait une pourrait en mourir. Le nom "grenouille à flèches empoisonnées" viendrait du fait que certains Amérindiens d'Amazonie utilisaient le poison de ces grenouilles pour en enduire leurs flèches.
Mais d'après des recherches récentes, le poison que sécrètent ces grenouilles serait fortement dû à leur alimentation composée d’insectes d'Amazonie. Ces insectes, comme des fourmis ou des termites, ont en fait leur propres toxines que la grenouille tolère tout à fait. En plus de les tolérer, c'est grâce à leurs toxines qu'elle crée sa propre toxine et sa défense par la même occasion. On aurait en effet constaté que les toxines sécrétées par les grenouilles étaient beaucoup moins concentrées lorsque les dendrobates vivaient en captivité et que leur alimentation n'était plus tout à fait la même car les insectes ne provenaient pas du même habitat naturel. Quand les dendrobates sont en captivité (milieu artificiel), il faut néanmoins éviter de les toucher à mains nues, par précaution, car elles conservent toujours un peu de toxines sur leur peau.

Heureusement pour nous, la Dendrobates azureus ne se trouve qu'au nord de l'Amérique du Sud, surtout au Surinam et dans les régions brésiliennes frontalières. En attendant d'aller là-bas (à nos risques et périls), nous nous contenterons de regarder des vidéos de Dendrobates azureus en captivité, où nous pourrons voir que ces grenouilles bleues restent tout aussi belles :

Consultable en entier ici

Ci-dessous, une jolie petite grenouille nous montrant ses talents pour glisser en douceur :
Consultable en entier ici

 N.B. : Certaines espèces vivantes ont des méthodes de camouflage pour survivre aux prédateurs (comme c'est le cas chez les phasmes), d'autres préfèrent tenter d'effrayer leur prédateur en paraissant plus gros que ce qu'ils sont en réalité (chez certaines espèces de papillons), et d'autres encore, comme les Dendrobates, se font remarquer par leur couleur extrêmement "flashy" pour que leurs prédateurs, après avoir goûté une seule fois au poison, se souviennent toujours que ces grenouilles sont dangereuses et ne les attaquent plus.

Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dendrobates_azureus
http://fr.wikipedia.org/wiki/Batrachotoxine
http://batraciens.net/dendrobates.php
http://www.maxisciences.com/dendrobate/les-dendrobates-venimeuses-beautes_art44.html
http://www.dinosoria.com/grenouille_toxique.htm
http://reptil-sud-est.forumactif.org/t155-dendrobates-azureus-dendrobate-bleu
http://surlaterredesraptors.forum-gratuiti.com/t84-fiche-dendrobates-azureus

Pour aller plus loin :
"Une équipe de chercheurs américains, menée par John Cover, de l'Aquarium national de Baltimore (États-Unis), a réussi à montrer chez des Dendrobates la présence d'une hydroxylase capable de transformer un alcaloïde donné en un composé cinq fois plus dangereux." (Wikipedia : Dendrobates)
   La source de l'information, un article en anglais, dont la référence est citée ci-dessous, peut être consultée ici.
Daly, Garraffo, Spande, Clark, Ma, Ziffer & Cover, 2003 : Evidence for an enantioselective pumiliotoxin 7-hydroxylase in dendrobatid poison frogs of the genus Dendrobates. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 100(19) : 11092-11097

dimanche 15 janvier 2012

Une licorne ? (partie 4)


Les autres animaux :
Dans le dernier billet, nous nous demandions quels étaient les animaux qui avaient pu prêter leur forme à la licorne : certains animaux comme l'oryx ont deux cornes mais semblent n'en avoir qu'une. D'autres ayant des cornes spiralées ont entretenu le mythe de la licorne.
Des animaux à deux cornes ont pu, suite à un accident, en perdre une ou encore, plus rare, naître avec une seule corne ou avec les deux cornes soudées n'en formant qu'une seule, malformation que l'on appelle "monstruosité".

L'oryx :
L'oryx d'Arabie (Oryx leucoryx)

Brehm, 1865, Illustrirtes Thierleben..., p. 549.
Les cornes de l’oryx sont longues d’environ un mètre, torsadées, fines, presque parallèles, très rapprochées et légèrement incurvées vers l’arrière. Comme elles sont très rapprochées et fines, cela peut expliquer que l’on ait pu croire de loin qu'il n'avait qu'une seule corne. C'est encore plus évident lorsque l'on regarde la photo couleur de cet oryx algazelle (Oryx dammah).






L'éland :

L'éland (Boselaphus Oreas)
Brehm, 1865, Illustrirtes Thierleben..., p. 556.




L’éland porte lui aussi de belles cornes torsadées, mais son allure est moins élancée et surtout bien moins élégante que l’image classique de la licorne. Cet éland est très répandu en Afrique australe.












Autres animaux :
L'addax ou antilope à nez tacheté (Addax nasomaculatus)
Brehm, 1865, Illustrirtes Thierleben..., p. 553.


L'aspect torsadé des cornes de l’addax, sa robe blanc-jaunâtre et ses sabots larges étaient des éléments de description proches de ceux utilisés pour la licorne... Ses cornes ondulées, vendues séparément, ont sans doute continué à alimenter le mythe de la "corne" de licorne.





Chevreuil à une corne (©Nemo, site Monpanache.com)



Enfin, certains animaux, comme la chèvre, le mouton, le chevreuil ont pu présenter une malformation en naissant avec les deux cornes soudées en une seule, ou naître juste avec une corne. Cette particularité a pu elle aussi alimenter la légende de la licorne, car pour les gens du Moyen Âge, on franchissait facilement la limite entre le naturel et le surnaturel.
Le chevreuil est présenté dans un journal italien du 13 juin 2008 (en ligne ici), traduit en français le 14 juin par un journal de l'île Maurice (ici).







Nous laisserons le mot de la fin à Bruno Faidutti : « Ce qui différenciait la licorne du griffon, du dragon ou du basilic, ce qui créait cet attachement fort et calme à son image, cette véritable volonté de croire qui fit voir l'animal en Inde ou en Éthiopie, ce qui en faisait une créature nécessaire et non un monstre éphémère parce qu’accidentel, c’était simplement sa beauté, son charme. » (t. 2, p. 300)

Sources :

– Brehm, Alfred Edmund, 1865, Illustrirtes Thierleben: eine allgemeine Kunde des Thierreichs, Zweiter Band, Hildburghausen: Bibliographisches Institut (ici)
– Faidutti, Bruno, 1996, Images et connaissances de la licorne (fin du Moyen Âge - XIXe siècle), thèse de Doctorat en Sciences littéraires et humaines, Université de Paris XII, 30 novembre 1996, 2 tomes. (ici)
– Sur Wikipedia : l'oryx et l'oryx algazelle.

dimanche 8 janvier 2012

Une licorne ? (partie 3)

Le rhinocéros :

Tout animal avec une corne unique a pu paraître étonnant, qu'on l'ait appelé unicorne (nom latin), monoceros ou rhinocéros (noms grecs), capricorne marin, onagre ou loup marin.
La licorne et le narval pouvaient être confondus à cause de leur corne (on a vu que c’était même une dent chez le narval) et c'est bien la seule partie que les explorateurs ont pu rapporter de leurs expéditions.
Cela n'explique pas comment a pu émerger la silhouette de la licorne. Quels sont les animaux qui ont pu lui prêter leur forme ? Nous allons voir ci-dessous comment le rhinocéros, qui n'a qu'une seule corne, a été longtemps confondu avec la licorne.


Le rhinocéros d'Inde (Rhinoceros unicornis)
Brehm, 1865, Illustrirtes Thierleben..., p. 750.
Rhinocéros vient du grec rhinos, “nez”, et de keras, “corne”. C'est en effet un des rares mammifères à porter une et parfois deux cornes sur son nez et non pas sur le front comme c'est habituellement le cas chez les animaux portant des cornes.
La licorne a longtemps été appelée rhinocéros, car on ignorait tout du vrai rhinocéros. Cela ne fut plus vrai à partir de 1513 quand un rhinocéros bien vivant fut envoyé en cadeau au roi du Portugal. Mais si les "savants" firent rapidement la distinction entre les deux animaux, la confusion persista dans l'esprit des gens et mit du temps à se dissiper.
Par la suite, quand les témoignages de l'existence du narval, licorne des mers, arrivèrent, cela obligea les illustrateurs à différencier nettement  l'image de la licorne de celle du rhinocéros. On commença à représenter la licorne de manière plus conforme aux descriptions anciennes : silhouette chevaline, barbiche et sabots fendus de la "blanche cavale". Cela se fit en reprenant la forme d'autres animaux lui ressemblant, mais n'ayant pas une unique corne, comme on va le voir par la suite.


Sources :

– Brehm, Alfred Edmund, 1865, Illustrirtes Thierleben: eine allgemeine Kunde des Thierreichs, Zweiter Band, Hildburghausen: Bibliographisches Institut (ici)
– Faidutti, Bruno, 1996, Images et connaissances de la licorne (fin du Moyen Âge - XIXe siècle), thèse de Doctorat en Sciences littéraires et humaines, Université de Paris XII, 30 novembre 1996, 2 tomes. (ici)
– Sur Wikipedia : le rhinocéros.

lundi 2 janvier 2012

Une licorne ? (partie 2)

Les narvals ou licornes des mers :
Brehm, Alfred Edmund. 1865, Illustrirtes Thierleben: eine allgemeine Kunde des Thierreichs. Zweiter Band. Erste Abtheilung: Die Säugethiere. Zweite Hälfte: Beutelthiere und Nager. Zahnarme, Hufthiere und Seesäugethiere. Hildburghausen : Bibliographisches Institut, II, p. 832.

   La première espèce liée directement au mythe de la licorne est un cétacé, le narval (Monodon monoceros), d'ailleurs appelé "licorne des mers". En effet, la plupart des mâles de cette espèce, ainsi que quelques femelles, possèdent une longue dent qui peut atteindre jusqu’à 3 mètres de longueur et peser jusqu’à 10 kilogrammes ! La particularité de cette dent est qu’elle est toujours torsadée dans le même sens (de droite à gauche en partant de la pointe).
   Par ailleurs, cette dent – sur le maxillaire gauche du narval – est constituée d’une manière très originale : l’émail de la dent est à l’intérieur tandis que la “pulpe” est à l’extérieur. En effet, la dent possède plusieurs millions de terminaisons nerveuses à l’extérieur de cette dent : cette dent est donc un organe de détection sensorielle très sensible permettant de détecter les différentes pressions ou températures ainsi que les différents degrés de salinité de l'eau. De plus, cette dent n’est pas vraiment rigide : elle peut se tordre de 30 centimètres dans n’importe quelle direction sans se briser !

   Le narval est surtout répandu dans le détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin. Sinon, il est plutôt dans la zone arctique, au nord de la planète, et descend très peu vers le sud (rarement plus bas que le 65e degré de latitude).
   Comme cette espèce était déjà rare, les navigateurs qui avaient réussi à trouver une dent de narval la revendaient plusieurs fois son prix en or, en déclarant que cette dent était une corne de licorne.

   Ce n’est qu’en 1704 que fut établi le lien entre cette “corne”, rapportée comme “preuve” de l’existence des licornes, et les narvals.



Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Licorne
http://www.faidutti.com/unicorn/unicorn.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Narval
http://www.futura-sciences.com/fr/definition/t/zoologie-2/d/narval_9654/
http://didrit.perso.sfr.fr/Anthropo/Licorne0.htm